622 délégués se sont réunis les 18, 19 et 20 mai dernier à Aubervilliers pour le 18ème congrès de l’union départementale CGT de la Seine-Saint-Denis. Plus de 300 syndicats ou sections syndicales y ont été représentés. 150 interventions de délégués ont été comptabilisées.
1/ L’objectif des 30.000 adhérents demeure une priorité de l’UD CGT 93, la Seine-Saint-Denis étant le quatrième département le plus riche de France. Le rappel des luttes (hôtel Sheraton et d’Europcar à Roissy, des CIF dans le 93 et le 95, de Dassault Falcon Service au Bourget) a d’ailleurs été fait en ce sens. En même temps que le dernier mouvement social de l’automne dernier aura permis une vague de syndicalisation de plusieurs milliers de nouveaux adhérents. L’UD CGT 93 qui est la première organisation syndicale du département compte désormais 25.000 syndiqués environ. Et si elle touche surtout les boîtes du privé et le tissu industriel du département, la CGT 93 a dit souhaiter vouloir s'ouvrir aux employés et aux cadres des nouveaux services et du spectacle.
2/ La revendication d’un SMIC à hauteur de 1700 euros a été décidée. Reconstruire les grilles de salaire afin qu’elles intègrent les qualifications et l’intégration des primes, c’est permettre à la part socialisée au salaire de retrouver toute sa force. Et c’est donner plus de puissance à la protection sociale. En revanche, la question de l’intéressement ou de la participation inclus dans le salaire de base témoigne d’une faiblesse autant conceptuelle que stratégique quant à l’importance du salaire socialisée et de la cotisation sociale. C’est d’autant plus dommage que la revendication d’une retraite à taux plein à 60 ans, l’abrogation de la loi Woerth et le rétablissement des régimes spéciaux sont portés haut et fort par l’union départementale.
3/ Plus largement, c’est une Sécurité Sociale Professionnelle (participant du nouveau statut du travailleur salarié défendu au niveau confédéral) qui est demandée, afin de pérenniser les droits acquis contre la précarité et ouvrant droit aux formations nécessaires après licenciement. Les salariés disposent ainsi d’une série de droits inaliénables et transférables d’emploi en emploi, les détachant ainsi de leur entreprise et les protégeant de la violence propre au marché de l’emploi. Toutes choses égales par ailleurs, la sécurité sociale professionnelle est un dispositif proche structuralement du statut dans la fonction publique où les agents, titulaires de leur grade et non de leur poste, sont formellement libres de toute subordination à un employeur particulier, même public.
Sur cette question de la SSP, nous pensons qu’elle est à lier à la revendication d’un droit de veto pour les travailleurs sur toutes les questions qui relèvent de l’organisation du travail comme de la gestion et des stratégies de développement des entreprises dans un premier temps. Et dans un second temps, qu’elle ne doit pas se substituer à la lutte contre les licenciements, auquel cas elle deviendrait un palliatif à la logique de restructuration permanente imposée aux entreprises par les actionnaires. Ce que les mouvements sociaux des dernières années ont démontré, avec une absence dramatique d’impulsion et de coordination fédérale et interprofessionnelle des syndicats Cgt engagés dans les luttes pour la sauvegarde de l’outil de production et des emplois.
4/ Mais il n’y a pas que le dossier du salaire qui a été examiné. Les négociations salariales dans les entreprises sous-traitantes doivent obliger les donneurs d’ordre à resituer les profits indus tirés de la logique du moins-disant social et de l’externalisation des risques sur les travailleurs exploités. La responsabilité pénale des donneurs d’ordre doit donc être étendue aux violations commises par leurs sous-traitants.
5/ Le soutien aux révolutions au sud de la Méditerranée, dans les pays du Maghreb comme du Machrek, a induit le rappel, ici, de la régularisation de tous les travailleurs sans papiers, d’ailleurs particulièrement frappés par l’externalisation des risques des donneurs d’ordre sur les boîtes sous-traitantes, et leur déresponsabilisation pénale qui en est le corrélat. La lutte contre les discriminations et l’égalité des droits entre salariés a été également promue. Le droit de vote des résidents étrangers aux élections politiques a été logiquement réaffirmé.
6/ La participation des usagers, si elle est positivement requise pour reconquérir la maîtrise collective des services publics, s’est trouvée articulée avec la vieille idée de la nationalisation qui garde encore un certain prestige dans une structure syndicale profondément marquée par le long compagnonnage avec le PCF. La nationalisation, quand elle signifie étatisation (et donc renforcement de l’intervention de l’Etat dans la société) ou bien alors renflouement des grandes entreprises en attendant de les revendre au privé, est une fausse piste à vite oublier. En revanche, la « nationalisation » peut continuer à être défendue si elle permet de dépasser les vieilles conceptions étatiques, en autorisant d’imaginer des services publics démocratiquement autogérés par les agents et les usagers, ainsi libérés du pouvoir étatique. Conception que les libertaires de la Cgt défendent.
7/ Enfin, a été redit l’engagement de toutes et tous afin d’augmenter les moyens de la justice prud’homale (d’où le rendez-vous du 06 juin prochain à la DIRECCTE de Bobigny contre la fermeture des Inspections du travail de Saint-Denis et de Montreuil). En lien, c’est le souci de gagner les élections dans la fonction publique à l’automne 2011 et dans les TPE en début d’année 2012 qui aura in fine été défendu.
8/ Sur le plan syndical, on retiendra cette triple exigence :
- s’emparer de la problématique intercommunale (Grand Paris, etc.) afin de redéfinir l’activité territoriale des syndicats : on sent ici que l’URIF (l’union régionale Ile-de-France CGT) cherche à imposer sa marque interprofessionnelle et interdépartementale sur les unions syndicales départementales et locales, au détriment peut-être des fédérations professionnelles (le contrecoup d’un mouvement structurel de fond serait alors à trouver dans le souhait de développer au cours du congrès des collectifs interprofessionnels dans toutes les UL) ;
- penser une intervention spécifique et stratégique sur la zone aéroportuaire de Roissy (10 % du PIB de l’IDF ; aujourd’hui 90.000 salariés et bientôt 120.000 salariés : c’est pourquoi la défense de la Bourse du travail de Roissy doit demeurer une bataille de premier ordre), là où des grèves (souvent victorieuses) ont récemment éclaté chez Sheraton, FedEx, Europcar (à Roissy mais aussi à Orly – citons aussi dans le 93 et le 95 les Courriers d’Île-de-France ou CIF appartenant au groupe Kéolis, Dassault Falcon Service au Bourget ; citons également les avocats du Barreau de la Seine-Saint-Denis mobilisés pour la revalorisation du montant de l’aide juridictionnelle et qui auront été pendant le congrès, etc.) ;
- permettre enfin la tenue d’Assises du Service Public en automne prochain.
En conséquence de quoi, l’UD a demandé à ce que soit assurée la tenue dans chaque syndicat d’un congrès (dans le meilleur des cas, sinon une assemblée générale des syndiqués) avant la fin de l’année 2011 afin de réfléchir à la question du redéploiement syndical en termes tantôt professionnels (axe défendu par les UL) , tantôt territoriales (axe défendu par l’URIF pesant sur l’UD pour que cette dernière pèse en dernière instance sur les UL). A suivre…
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