Nous nous permettons de reproduire un article du Canard Enchainé à propos de Gattaz, président du Medef et patron de Radiall. Aucun commentaire n'est nécessaire !
Le pactole de responsabilité de Gattaz
Sa société engrange des bénéfices mais n'embauche qu'au compte-gouttes. Les dividendes et le salaire du président, eux, explosent.
N° 4880
mardi 6 au lundi 12 mai 2014
LA MARE AUX CANARDS
L ES adhérents du Medef l'ignorent : leur président est un saint. Pierre Gattaz est absolument désintéressé quand il se bat pour le pacte de responsabilité. Réduire les charges, modérer la hausse des salaires ou encore créer un mini smic pour les jeunes ? Le saint patron du Medef pourrait même se dispenser de ce sacerdoce. Sa boîte de composants électroniques, Radiall, accumule en effet depuis quatre ans des marges très rondelettes.
L'activité du groupe Radiall, mesurée par son chiffre d'affaires (235 millions en 2013), a ainsi bondi de 27%, ces quatre dernières années, dont 17% pour la France intra-muros. Les bénéfices sont à l'avenant : le « résultat opérationnel » du groupe a grimpé de 167 % entre 2010 et 2013. Grâce à Boeing, son carnet de commandes est gras comme un moine.
Drôle de gueule de l'emploi
Radiall constitue donc l'exemple parfait de ce que seront toutes les entreprises françaises lorsque le pacte de responsabilité aura fait son oeuvre.
Coiffé de sa casquette de président du Medef, Pierre Gattaz insiste : ce pacte doit créer un « terreau favorable» à l'embauche.
Chez Radiall, on le voit, ce « terreau » existe bel et bien depuis plusieurs années. Et, pourtant, le patron Gattaz ne fait pas exactement ce que préconise le grand chef du syndicat des patrons. Evalué - en moyenne annuelle - sur les quatre derniers exercices, l'effectif du groupe a légèrement diminué. En revanche, celui des intérimaires et des régies (une variante de l'intérim à l'étranger) a bondi de 1 000 personnes, soit près du tiers du total. Un miracle s'est pourtant produit en 2013 (année record pour son chiffre d'affaires) : Radiall
a embauché, en France, 24 salariés en contrat à durée indéterminée, soit un bond impressionnant de… 1,7 % de son effectif ! La pompe à précaires a, en revanche, fonctionné à plein régime : 40 intérimaires et cinq CDD de plus l'an dernier. Pour le million d'emplois nouveaux, on est prié d'attendre encore un peu.
Voraces très coriaces
Cette légère distorsion entre les paroles et les actes se retrouve dans l'épineux débat sur les salaires. Dans la foulée de son appel à la modération, le président du Medef a eu les accents d'un curé de gauche; en prêchant Y « exigence d'exemplarité » pour les dirigeants des groupes internationaux, y compris ceux qui ont « une activité limitée en France ». Ces managers doivent donc « modérer leur
rémunération par solidarité, parce que l'on demande des efforts à nos concitoyens» . Bienvenue au club des partageux.
Mais le patron de Radiall n'applique qu'une fois sur deux les préceptes du président du Medef. Côté serrage de ceinture pour le petit personnel, pas de problème : l'an dernier, le coût salarial par employé français du groupe a royalement augmenté de 3 %, hausse des charges comprises. Celui des pue-la-sueur du Mexique, de l'Inde et de la Chine a baissé de 7 %. Côté « tout pour ma pomme », le big boss de Radiall s'est octroyé, l'an dernier, une rallonge de 29 % (bonus compris) et a augmenté de 21 % les cinq membres de son conseil exécutif et stratégique.
Divins dividendes
L'homme du Medef est aussi un ardent défenseur des « marges dégagées» grâce au pacte de solidarité, car elles pourront permettre d'accroître les dividendes des actionnaires.
On le comprend : chez Radiall, l'actionnaire extérieur est une espèce aussi rare que l'ours polaire en Ouganda.
La quasitotalité du capital de la boîte est détenue, selon le rapport des commissaires aux comptes, par deux « holdings regroupant les intérêts des familles Gattaz dans Radiall ». Or, ces quatre dernières années, les dividendes ont battu un record de saut en hauteur : 76 de mieux. Après la lutte des classes, la guerre des gloutons ?
Enfin, le syndicaliste patronal ne cesse de plaider pour « une optimisation des dépenses publiques ». Mais la seule augmentation de dividendes versés aux actionnaires de sa boîte en 2013, soit 646 843 euros, engloutit les trois quarts de ce que Radiall a perçu la même année au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (Cice) mitonné par le gou vernement Ayrault pour aider les entreprises. Chiche qu'il demande l'abolition de ce Cice ?
par Alain Guédé