Ecotaxe, CGT, gouvernement et bonnets rouges
Dans une tribune en date du 8 janvier parue dans Libération, la CGT, avec des associations écologistes et la CFDT Transports-environnement, adresse «tous ses vœux à l'écotaxe».
En bref, la tribune dénonce, à juste titre, les dégâts environnementaux dus au transport routier, et «regrette de ce point de vue que l'écotaxe ait été suspendue, la considérant comme
«un premier pas» pour «[responsabiliser] grande distribution, chargeurs, gros donneurs d’ordres». Elle appelle ensuite à une «politique claire sur la volonté du gouvernement de relancer le fret ferroviaire» en complément de l'écotaxe et relève enfin que «le partenariat public-privé contracté avec EcoMouv’ est largement contesté».
Hélas contrairement à ce qui est affirmé dans la tribune, le gouvernement en matière de fret ferroviaire est très clair : il organise son sabotage (baisse volontaire de l'activité, fermeture de dépôts etc.) en vue de le privatiser. Or si aucune alternative au fret routier n'est proposée, quelle serait la conséquence de l'écotaxe ? Elle coulerait les petits transporteurs routiers et renforcerait la domination des gros. En quoi notre confédération devrait-elle se positionner par rapport à ça ?
Cette tribune est un élément de plus dans la campagne anti-bonnets rouges de la CGT. Le battage interne est simpliste depuis novembre pour condamner ce mouvement, dont on peut trouver un résumé dans le numéro d'Ensemble de décembre 2013, où la confédération réécrit l'histoire sans vergogne. Ce mouvement aurait été lancé par «FNSEA, Medef, FO» pour «s'opposer à l'écotaxe», le maire de Carhaix puis «UMP, FN et NPA» seraient ensuite venus se greffer aux manifestations géantes, alors que la CGT a au contraire choisi de «rassembler le syndicalisme», le même jour, dans la manif de Carhaix. Plus c'est gros plus ça passe !
Rappelons qu'en réalité, la mobilisation des bonnets-rouges est partie du comité pour l'emploi de Carhaix, issu de la mobilisation pour la défense d'une maternité il y a quelques années. Ce comité a réussi à fédérer des salarié-e-s de l'agroalimentaire de différentes boites (Marine Harvest, Tilly Sabco, Doux etc.) et a appelé à une manif. Plusieurs équipes syndicales s'y sont joint et de nombreux syndicalistes ou ouvriers en butte aux licenciements y ont participé. C'est alors que la FNSEA s'est greffée sur la mobilisation autour de ses propres mots d'ordres contre l'écotaxe, et plusieurs composantes (comme le maire de Carhaix) l'ont accepté en prétendant construire une cohérence autour de l'identité bretonne. Le FN, l'UMP et le Medef avec la complicité des médias ont beaucoup communiqué pour récupérer le mouvement mais étaient très peu présents.
La situation était certes confuse. Finalement la CGT, la FSU et Solidaires ont choisi de faire une contre manifestation, largement relayée par le Front de gauche, mais qui a rassemblée dix fois moins de monde. Mélenchon lui-même a traité les ouvriers de la manif des bonnets rouges d' « esclaves ». Un autre choix était possible et aurait sans doute été plus productif : construire un pôle ouvrier et anti-capitaliste dans les rassemblements des bonnets-rouges. Un pôle qui aurait pu se faire entendre des travailleurs et de la population en colère au lieu de laisser la droite tenter une récupération du mouvement. D'autant que la manifestation CGT a été suivie d'un communiqué auquel se sont joint la CFDT, l'UNSA et la CGC pour un « pacte social » pour la Bretagne, au contenu lamentable, qui se contente d'évoquer la conditionnalité des aides aux entreprises et des améliorations des mesures d'accompagnement aux salarié-e-s licenciés...
Plutôt que de multiplier les signes de soutien au gouvernement pour le maintien de l'écotaxe, la confédération serait bien plus avisée d'organiser le soutien aux ouvrier-e-s en lutte face aux licenciements, en s'adaptant aux formes de mobilisations que ceux-ci adoptent et en disputant le terrain face à la droite et à la FNSEA. Soutien que réclament les salariés en lutte non seulement en Bretagne mais dans tout le pays. Soutien qui signifie coordination des entreprises en lutte.
Quant au fond du problème, bien réel, de la pollution par un camionnage qui poursuit sa croissance la réponse ne réside pas dans une taxe de plus. Face aux délocalisations et au libre-échange, une seule solution : la réorganisation des productions au plus près des besoins réels des consommateurs ce que de nombreux courants associatifs, syndicaux ou politiques appellent : l'autonomie productive.