Derrière le travail du dimanche qui fait la une depuis des semaines, nous avons de quoi nous faire du soucis. et c'est pas la CGT qui le dit. Non, ce sont de dangereux journaux gauchistes, Marianne et l'Express ! qui relaient un dangereux révolutionniare du PS... Filoche.
Il y a bien urgence à remettre la CGT sur les rails du combat de classe parce que nos adversaires ont un agenda bien clair de contre-réformes comme l'UD CGT de Paris y appelle.
GÉRARD FILOCHE* in Marianne
Membre du Bureau national du PS et ancien inspecteur du travail, Gérard Filoche a épluché la loi Macron. Et ce qui le frappe, c’est d’abord à quel point ce texte faciliterait, selon lui, les licenciements. Par exemple, explique-t-il, si votre licenciement est cassé par le tribunal administratif, vous pourrez malgré tout n’avoir « droit à rien » : « Vous êtes ni réintégré, ni indemnisé ». En clair : c’est « Ubu roi » !
L’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier puis la loi du 14 juin 2013 facilitaient déjà les licenciements. Le 5 juillet 2013, les personnels des DIRECCTE (les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ont en effet été formés sur les nouvelles règles d’encadrement des plans de sauvegarde de l’emploi découlant de la loi du 14 juin de « sécurisation de l’emploi » issue de l’ANI.
Ce jour-là, sous l’autorité de Pierre-André Imbert, conseiller au cabinet de Michel Sapin et de Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, Nadine Richard, chef de mission au fonds national de l’emploi, a détaillé l’article 18 de la loi relative à la refonte du licenciement économique collectif.
Les DIRECCTE ont ainsi reçu pour consigne de se tenir à la disposition des entreprises pour qu’un accord puisse exister face à chaque plan de licenciements. L’objectif a été fixé : « Zéro refus d’homologation ou de validation des PSE ».
Michel Sapin et François Rebsamen, à l’opposé de leurs discours officiels qui prétendaient « inverser » la courbe du chômage, ont opté, en fait, pour donner des « preuves d’amour » aux patrons : accepter tous leurs plans de licenciements. « Zéro refus » ! D’ailleurs, cela s’est vu : depuis la loi, il y a moins de luttes contre les PSE et il y a 250 000 chômeurs de plus.
Il s’agit maintenant avec la loi Macron d’améliorer la loi du 14 juin 2013 qui, sur cette question, avait déjà beaucoup sécurisé… les licenciements.
En effet, après avoir dessaisi la justice civile et transféré à l’administration (les fameuses DIRECCTE) le soin de mettre dans un délai très rapide un coup de tampon (validation en cas d’accord collectif ou, sinon, « homologation » du plan unilatéral de l’employeur), le but du Medef semblait atteint.
Hélas, quelques tribunaux administratifs, saisis par des recours, ont osé critiquer ces coups de tampon trop… expéditifs. Qu’à cela ne tienne, ce que Medef et Commission européenne veulent doit être exaucés sans traîner. Alors, si des tribunaux appliquent la loi d’une façon qui leur déplaît, on change la loi.
1 Grâce à la loi du 14 juin 2013, l’employeur pouvait déjà, sur les quatre critères de choix des licenciés, retenir prioritairement le critère qu’il voulait, par exemple le critère arbitraire de la « qualité professionnelle » au détriment des critères sociaux (charges de famille, âge, handicap, ancienneté).
Le projet Macron permet à l’employeur, en modifiant l’article L.1233-5 du code du travail, de moduler les critères choisis en les fixant « à un niveau inférieur à celui de l’entreprise ». En clair : pouvoir choisir de licencier qui on veut, où l’on veut. Les plus faibles socialement, les « sans-dents » seront les premiers licenciés.
2 Le projet Macron simplifie les « petits licenciements » (de 2 à 9 salariés) dans les entreprises de plus de 50 salariés : plus besoin pour la DIRECCTE de vérifier si les représentants du personnel ont été « réunis, informés et consultés » selon les dispositions légales et conventionnelles, si les obligations relatives aux mesures sociales ont été respectées, et si les mesures pour éviter les licenciements et pour faciliter le reclassement « seront effectivement mises en œuvre » (nouvel article L.1233- 53).
3 Le projet Macron simplifie les efforts de reclassement pour les grandes entreprises implantées sur plusieurs pays : elles n’auront plus l’obligation de chercher un reclassement en dehors du « territoire national » (nouvel article L.1233-4). La modification est subtile : en effet, le projet Macron n’impose plus à ces grandes entreprises de demander au salarié, dont le licenciement est envisagé, s’il accepte de recevoir des « offres de reclassement » à l’étranger.
Il impose en revanche une humiliation supplémentaire au salarié à qui il revient désormais de « demander à l’employeur » de recevoir des « offres d’emploi situés hors du territoire national disponibles dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient. »
Outre l’humiliation, un décret doit préciser les modalités d’application de ce nouvel article L.1233-4-1 du code du travail : recevoir une offre de reclassement est-elle la même chose que recevoir une offre d’emploi disponible ?
4 Le projet Macron simplifie beaucoup les licenciements dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire en modifiant l’article L.1233-58. En effet, « au regard des moyens dont dispose l’entreprise », en clair au regard de son expertise en trémolos, elle pourra désormais s’exonérer de ses obligations prévues par les pourtant tout récents articles L.1233-61 à L.1233-63 : faciliter le reclassement des salariés, notamment des âgés et des fragiles. En outre, pour les entreprises qui font partie d’un groupe, il n’y aura plus d’obligation de formation, d’adaptation et de reclassement au niveau du groupe, mais seulement « dans l’entreprise ». L’employeur, l’administrateur ou le liquidateur est simplement invité à « solliciter » les entreprises du groupe pour avoir une liste de postes disponibles.
5 Le projet Macron permet le licenciement sans retour et sans indemnités des salariés pour lesquels le tribunal administratif aurait annulé la décision de validation ou d’homologation du plan de licenciement.
La modification est à l’article 102 (section 6 – Amélioration du dispositif de sécurisation de l’emploi – p. 70 : modification de l’article L.1235-16 du code du travail). L’actuel article L.1235-16 prévoyait qu’en dehors du cas où le tribunal administratif annule la décision de la DIRECCTE pour « absence ou insuffisance » du plan de sauvegarde de l’emploi, l’annulation pour un autre motif entraîne soit la réintégration du salarié, soit, en cas de refus de l’employeur, le versement d’une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Désormais, selon la modification de ce tout récent article L.1235- 16, si la décision de l’administration a été cassée pour « insuffisance de motivation », la loi prévoit benoîtement que l’administration « prend une décision suffisamment motivée » (sic).
Elle dispose également que le jugement du tribunal administratif ne modifie pas la « validité du licenciement » et donc « ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur ». C’est Ubu roi : votre licenciement est cassé, mais vous n’avez droit à rien : vous êtes ni réintégré, ni indemnisé !
* Gérard Filoche est membre du Bureau national du PS et ancien inspecteur du travail.
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L’EXPRESS
Six mesures concernent les licenciements économiques collectifs, dans le projet de loi croissance et activité, dit projet de loi Macron, qui sera étudié par le Parlement en janvier 2015. Des dispositions qui, si elles étaient votées définitivement, ne s’appliqueraient qu’aux procédures de licenciement pour motif économique engagées après la publication de la loi.
L’une des plus importantes est la possibilité pour l’employeur de fixer le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui de l’entreprise.
Attention aux erreurs d’interprétation : cette mesure (article 98 du projet de loi Macron) ne modifie pas la règle concernant les critères à retenir pour fixer l’ordre des licenciements.
Cette règle reste la suivante : les critères prennent notamment en compte les charges de famille, l’ancienneté, la problématique sociale (personnes handicapés, salariés âgés… rendant difficile leur insertion professionnelle), ainsi que les qualités professionnelles. L’employeur peut décider de privilégier un critère, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères.
La disposition intervient en revanche sur la fixation du périmètre d’application des critères d’ordre. Cette notion de périmètre est très importante, car elle a des incidences sur les personnes qui seront touchées par le licenciement dans l’entreprise.
Imaginons.
Si un certain nombre de postes doivent être supprimés dans un établissement d’une entreprise qui en compte deux. Les salariés concernés par le licenciement ne seront pas les mêmes, selon que le périmètre d’application des critères d’ordre est uniquement celui de l’établissement où il y a les postes à supprimer, ou bien celui de l’entreprise dans son ensemble.
Si le périmètre est celui de l’entreprise dans son ensemble, cela peut menacer des salariés au sein de l’établissement ou aucun poste n’est (a priori) supprimé. Inversement, « sélectionner » les licenciés uniquement au sein de l’établissement où des postes doivent être supprimés donne moins de chance à ces derniers d’être « sauvés ».
La règle en la matière – fixée par la jurisprudence – était jusqu’à présent d’établir le périmètre à celui de l’entreprise.
« La cour de cassation a jugé, dans plusieurs arrêts, qu’il n’y a qu’un seul périmètre : l’entreprise dans son ensemble, et qu’il n’est possible d’y déroger que par un accord collectif, explique Jean-Michel Mir. Pourtant, en pratique, le périmètre de l’entreprise n’est pas nécessairement le plus adapté.
Lorsque les personnes dont le poste est supprimé, mais qui devraient échapper au licenciement du fait de l’application des critères d’ordre, se voient proposer un poste (celui d’une personne désignée par les critères) dans un autre établissement de leur entreprise, la plupart du temps, il y a une mobilité géographique à la clé, et ils refusent le poste. »
La loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 devait intervenir sur la question. Mais elle n’a rien réglé. Elle a laissé une incertitude quant à la possibilité pour l’employeur de faire figurer dans le document unilatéral un périmètre différent du périmètre de l’entreprise.
Dans l’affaire Mory Ducros, cette incertitude a d’ailleurs conduit la cour d’appel de Versailles à adopter la même interprétation que la cour de cassation et juger que l’administrateur judiciaire de la société avait eu tort de définir un périmètre d’application des critères par établissement au motif qu’il n’appartient pas à l’employeur de définir un périmètre restreint.
L’article 98 de la loi Macron tranche le problème une fois pour toute. S’il est adopté, l’employeur pourra fixer – par la voie du document unilatéral – le périmètre à un niveau inférieur à celui de l’entreprise dans son ensemble.
Autrement dit il pourra décider lui-même de circonscrire le champ d’application des critères à l’établissement où les postes sont supprimés.
Moins de dix personnes en trente jours… nous sommes ici hors du champ du contrôle de l’administration.
« La rédaction de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 (L 1233-53 du code du travail) prête à confusion et peut laisser entendre que la procédure de consultation des représentants du personnel et le contenu des mesures de reclassement relèvent du contrôle de la DIRECCTE y compris pour les licenciements de moins de dix salariés dans une entreprise de 50 salariés et plus, explique Jean-Michel Mir. C’est une mauvaise rédaction du texte, ce qu’avait confirmé l’administration. »
L’article 99 du projet de loi Macron confirme que ce contrôle de l’administration est limité aux licenciements de dix salariés et plus dans une entreprise de moins de cinquante salariés.
Actuellement, la loi dit que « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque (…) le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ».
L’employeur doit donc aussi chercher à reclasser le salarié dans ses établissements à l’étranger, en lui demandant s’il accepte de recevoir de telles propositions de poste.
L’article 100 du projet de loi Macron limite l’obligation de reclassement aux « emplois disponibles situés sur le territoire national », charge au salarié qui le désire de demander l’accès à une liste avec les emplois disponibles à l’étranger.
Le projet de loi renverse ainsi les rôles, puisqu’aujourd’hui c’est à l’employeur de demander au salarié s’il accepte des propositions à l’étranger.
« Il aurait été préférable de supprimer l’obligation de reclassement dans le groupe à l’étranger, estime Jean-Michel Mir, car elle est juridiquement critiquable et ne produit aucun résultat probant sur le reclassement effectif des personnes concernées (les propositions de poste à l’étranger restent la plupart du temps purement formelles car elles sont refusées dans leur immense majorité). Elle alimente aussi un contentieux sans fin pour déterminer si l’employeur a bien respecté ou non ses obligations de reclassement ».
Aujourd’hui, la DIRECCTE évalue le PSE soumis pour homologation au regard des moyens de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient. Si l’article 101 du projet de loi Macron est adopté, ce périmètre sera réduit à celui de l’entreprise. Une mesure qui conduira forcément à homologuer plus facilement les plans sociaux…
L’article 101 précise également que dans le cas où l’entreprise appartient à un groupe, « l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur » doivent « solliciter les autres entreprises du groupe afin d’établir une liste d’emplois disponibles et de la mettre à disposition des salariés susceptibles d’être licenciés. »
Aujourd’hui, quand des emplois sont disponibles, ils doivent être proposés par lettre à chaque salarié concerné, avec une description détaillée (nature du poste etc). Cette obligation très formelle perdurerait donc juste au niveau des emplois disponibles dans l’entreprise. Concernant les emplois disponibles dans les autres entreprises du groupe, il suffirait de mettre une liste à disposition des salariés.
En cas d’annulation par le tribunal administratif d’une décision de validation ou d’homologation d’un plan social par la DIRECCTE, en raison d’une insuffisance de motivation, la DIRRECTE devrait prendre une nouvelle décision correctement motivée. Cela serait sans incidence sur la validité du licenciement et ne donnerait lieu ni à réintégration du salarié, ni au versement d’une indemnité par l’employeur.
« Cette disposition permettrait d’éviter que les entreprises ne se retournent contre l’Etat en responsabilité, car l’administration aurait homologué leur plan sans motiver suffisamment leur décision, commente Jean-Michel Mir. Les employeurs n’auront ainsi pas à supporter le coût d’une erreur de plume de l’administration, en l’occurrence d’une DIRECCTE qui motiverait mal sa décision. »
C’est un point de détail, mais l’article 103 du projet de loi Macron établit que la proposition de contrat de sécurisation professionnelle doit être faite au salarié concerné par le licenciement seulement après la notification par la DIRECCTE de sa décision de validation ou d’homologation du plan.