Nous publions ci-joint une déclaration du Syndicat des Cheminots de Chartres plutôt sévère avec les fameux amendements du député Chassaigne (PCF) sur la réforme ferroviaire :
Monsieur le député et Président du groupe GDR à l’Assemblée nationale,
Le 19 juin dernier, se sont terminés trois jours de débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi
« portant réforme ferroviaire » auxquels vous avez participé. Le 24 juin, le projet de loi a été adopté
(après engagement de la procédure accélérée) et est actuellement débattu au Sénat.
Monsieur le député, vous n’êtes pas sans savoir que les cheminots ont fait jusqu’à 14 jours de grève
pour s’opposer à cette réforme et pour que voie le jour un autre avenir pour l’une des dernières
grandes entreprises nationales 100 % publiques amenée à disparaître : la SNCF.
Vous vous autorisez à penser pour les grévistes aussi bien dans l’Assemblée nationale que dans les
médias (par exemple dans l’émission « Bourdin Direct » du 19 juin dernier), ce qui mérite, à la vue
de vos différentes interventions qui ont choqué et qui choquent encore les cheminots qui étaient en
grève, une petite mise au point et quelques éclaircissements sur notre position et nos revendications.
Sachez, Monsieur le député, que les cheminots sont fiers de leur combat et qu’ils sont très lucides
sur ce projet de loi qui vient d’être adopté ; même amendé, il ne correspond en rien à ce que nous
portons et continuerons de porter. Monsieur le député, appeler clairement les cheminots à cesser la
grève en direct chez « Bourdin » notamment n’est pas tolérable et nous tenions à vous rappeler que
si vous aviez réellement été un représentant des travailleurs en grève, c’eût été une trahison.
Voici donc quelques explications et précisions.
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Tout le monde s’accorde pour réunifier la roue et le rail ; il n’aurait donc pas été porteur pour le
gouvernement d’affirmer le contraire ; et pourtant, il s’agit d’un véritable mensonge d’État, car le
contenu du projet propose l’éclatement de la SNCF.
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Comme nous le disons depuis des mois, la SNCF appartient à la Nation et de ce fait, chaque citoyen
du pays en est « copropriétaire ». Mais qu’en pensent-ils réellement ? Monsieur le député, la
majorité et le gouvernement n’ont eu aucun mandat pour faire une telle réforme qui déposséderait
la population de son bien commun et ce n’est pas la dernière élection européenne où seulement 6,5 %
du corps électoral a renouvelé sa confiance au parti gouvernemental qui leur donne plus de
légitimité. Mais qui d’autres que nous pour leur rappeler ?
Imaginez, en plus, ce que peuvent penser les camarades grévistes en apprenant que le jour du vote
de l’article 1er de ce projet de loi, il n’y avait dans l’Hémicycle que 33 votants : 27 pour, 5 contre et
une abstention – la vôtre que vous revendiquez publiquement – ! 33 votants sur 577 députés (6 %),
sans aucun mandat, pour décider de l’avenir du bien de 60 millions de citoyens et de l’avenir de
160 000 cheminots, quelle belle démocratie !
L’ironie du sort est de voir disparaître la Société Nationale des Chemins de fer Français – ce que
propose le projet de loi – acquis du Front Populaire en 1936, sous un gouvernement « socialiste ».
La promulgation d’une telle loi – même amendée – serait un acte de forfaiture et de trahison
populaire.
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Depuis presque deux ans, notre fédération CGT des cheminots a travaillé et mis sur la place
publique une proposition alternative pour développer un véritable service public de transport
ferroviaire de marchandises et de voyageurs au sein d’une seule entreprise : la SNCF.
Sachez, Monsieur le député, qu’en plus d’avoir l’avantage de la simplicité – contrairement à l’usine
à gaz que le gouvernement vous impose d’adopter – notre proposition respecte les exigences en
vigueur de Bruxelles. Il suffit de transférer les fonctions essentielles (répartition des sillons et
validation du plan général de transport ferroviaire, détermination de la tarification d’utilisation des
infrastructures, détermination et recouvrement des redevances) actuellement réalisées par RFF à la
DGITM, service du ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie. Le reste de
RFF (conception du plan de transport, gestion des circulations, entretien et développement du
réseau) peut ensuite être réintégré dans la SNCF.
La proposition CGT « la voie du service public » répond aussi à d’autres préoccupations majeures
comme la question du financement – contrairement au projet gouvernemental – la structuration en
proximité pour une mutualisation des moyens humains et matériels, et de la question des conditions
sociales pour les cheminots. Comme tout le monde le sait, de par son monopole historique, la SNCF
a construit une réglementation garantissant ainsi la sécurité des circulations et les conditions de
travail de son personnel ; alors pourquoi les nouveaux entrants ne s’acquitteraient-ils pas des
réglementations déjà en vigueur à la SNCF ?
Toutes ces propositions ont participé à l’élaboration de la plateforme unitaire CGT-UNSA-SUD,
socle revendicatif des cheminots qui étaient en grève. Le syndicat CGT des cheminots de Chartres
avec l’ensemble des grévistes exigeait – et continue d’exiger – la réécriture totale du projet de loi.
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Voilà, Monsieur le député, pourquoi nous étions en grève ! Croyez-vous vraiment que les quelques
amendements qui ont été adoptés – certains durcissent même le projet – peuvent nous satisfaire ? Et
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comme vous le déclariez devant les caméras : « si vous aviez été gréviste », vous vous seriez
exprimé et auriez voté en votre âme et conscience, comme tout un chacun, dans les assemblées
générales pour lesquelles, à Chartres, nous étions plus nombreux que les députés sans mandat
pendant 3 jours de débats à l’Assemblée nationale.
Mensonge d’État, forfaiture, trahison populaire, il y a des moments historiques, Monsieur le député,
où il faut choisir clairement son camp ; les cheminots dans la grève l’ont fait, mais il semblerait
qu’ils aient été bien seuls... Monsieur le député, sachez pour finir, que le combat des cheminots – et
nous sommes entièrement déterminés à le continuer – aura au moins permis un éclaircissement
politique qui aura des répercussions incalculables sur le long terme et votre position “douteuse” – à
moins que vous portiez les amendements de l’UNSA qui n’appelait pas à la grève – y contribue
clairement.
En attendant une réponse de votre part, veuillez recevoir, Monsieur le député et Président du groupe
Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale, nos salutations respectueuses.
Bertrand CLAVELIER
Secrétaire Général du
syndicat CGT des
cheminots de Chartres