La CGT de PSA-Aulnay a intercepté et rendu public une note de la direction de PSA, dévoilant le projet de celle-ci de fermer les deux usines d'Aulnay (Seine-Saint-Denis) « courant 2014 » et de Sevelnord (Nord) en 2013, ainsi qu'une usine à Madrid. Les deux sites français emploient respectivement 3 600 et 2 600 salariés. Si ces fermetures aboutissaient elles engendreraient des suppressions d'emplois chez tous les sous-traitants de ces deux usines et dans toutes les communes avoisinantes. La CGT 93 estime ainsi que chaque emploi industriel induit 3 à 4 emplois supplémentaires, donc au total ce sont près de 30000 emplois qui sont menacés.
Prise la main dans le sac, la direction de PSA, appuyée par le ministère de l'Industrie, s'est dépêchée d'affirmer que ces fermetures « n'étaient pas d'actualité ». Pourtant, le projet est bel et bien là, les écrits le prouvent, prévoyant d'organiser la résistance patronale aux mouvements sociaux dans les usines et détaillant un calendrier d'annonces progressives de la fermeture. Un détail révélateur des liens patronat-gouvernement : l'annonce franche de la fermeture était prévue pour le 2e semestre 2012, soit... juste après les élections présidentielles.
Par ailleurs, l'usine d'Aulnay n'a fait l'objet d'aucun investissement ces dernières années. Sa production est restreinte à un seul modèle, la C3, et 3000 emplois ont déjà été supprimés depuis 2004. Autant de signe allant dans le sens d'une volonté de fermeture. Tout cela est très bien expliqué dans un article de l'hebdomadaire patronal l'Usine nouvelle, qui reflète sans doute très bien l'état d'esprit de la direction de PSA.
La concurrence mondiale entre les entreprises du secteur automobile est de plus en plus féroce. La crise économique débutée en 2008 va sans doute aboutir à une réorganisation du paysage industriel mondial, avec l'absorption des entreprises dégageant le moins de profits par celles en dégageant le plus. C'est en baissant la rémunération de notre force de travail que les patrons comptent augmenter leur taux de profit. Pour cela, plusieurs choix s'offrent à eux : baisse des salaires directs et indirects (retraites, aides sociales, assurance chômage etc.), délocalisations, hausse du temps de travail (comme à Continental) ou intensification de la production. C'est cette dernière option qui semble être retenue par la direction de PSA puisqu'il ne s'agit pas a priori de délocaliser l'usine d'Aulnay mais de regrouper toute la production francilienne à Poissy sans embaucher en conséquence .
Rappelons au passage que, si le groupe PSA a subi de plein fouet la crise économique, il a largement bénéficié des aides de l'État et a ainsi pu recommencer à engranger des profits pour l'année 2010.
Ces projets de fermeture d'usines pourraient donc être les premiers d'une longue série. La crise économique va avoir pour conséquence une profonde réorganisation de l'emploi industriel. De même que la majeure partie de l'emploi des mines et de la sidérurgie a été liquidé en Europe occidentale après la crise de 1974, c'est l'automobile qui pourrait être visée dans les années qui viennent.
D'où la nécessité pour toutes les organisations syndicales de se préparer à une bataille prolongée
pour le maintien de l'emploi.
Et c'est maintenant que cette bataille commence. Plusieurs syndicats de la métallurgie et de la chimie du Nord ont appelé peu de temps après que le projet de PSA ait été dévoilé à la grève le 7 juillet (voir ici) contre la fermeture de l'usine de Sevelnord. Ce genre d'initiative, associant des travailleur-se-s de différentes boîtes et de différentes branches industrielles, est à multiplier. Si chacun se bat dos au mur dans sa boîte, alors les patrons nous écraseront. Tout le monde est concerné : salarié-e-s de PSA Aulnay et Sevelnord évidemment, mais aussi salarié-e-s des boîtes sous-traitantes, de la filière automobile en général et habitant-e-s des communes avoisinantes. Sur le fond, la revendication de « zéro licenciements » doit être reprise et popularisée, en particulier par les structures professionnelles et géographiques de la CGT.
Nos fédérations de la métallurgie et de la chimie ont de grandes responsabilités à coordonner et impulser la lutte au niveau national et international. Certes, aujourd'hui ce sont les travailleurs et travailleuses de PSA qui sont dans le collimateur. Et demain, ceux de Renault ?
Des liens peuvent naturellement se créer avec les syndicats de PSA à Madrid, dont la Cgt espagnole (anarcho-syndicaliste) dispose d'une section et d'une légitimité significative dans cette entreprise. 3 boîtes de PSA dans le collimateur, 3 boîtes qui disposent de syndicats de lutte de classe qui ont une réelle audience et qui ont mené des luttes dures sur les salaires, les conditions de travail et pour des embauches nouvelles ces dernières années. Ce sont déjà quelques atouts pour la lutte.
Enfin, en parallèle à la revendication immédiate de zéro licenicement, il faut également opposer au patronat et au gouvernement des revendications de moyen terme sur l'emploi industriel. De ce point de vue, ce ne sont pas des termes flous ou « à la mode », comme le « développement humain durable », boussole politique avalisée à notre dernier congrès confédéral, qui armeront les travailleur-se-s pour la lutte.
La revendication de Sécurité sociale professionnelle nous semble par contre plus intéressante. Mais elle a le défaut qu'ont toutes les revendications de moyen terme : si elle ne se double pas de luttes sur le terrain sur les revendications immédiates (ici : aucun licenciement), alors elle ne sert qu'à blablater pendant que les travailleur-se-s se battent le dos au mur.
C'est pourquoi il nous semble stérile d'opposer cette revendication et l'opposition immédiate aux licenciements.Les deux s'articulent. Ne nous perdons pas dans des batailles internes à nos syndicats. Au contraire, mettons sur le tapis l'ensemble des revendications sur lesquelles nous avons par le passé bataillé, à savoir une retraite pleine et entière à 55 ans, la réduction du temps de travail, l'interdiction du travail de nuit, les libertés syndicales, l'augmentation des salaires...
Reste la question de l'interdiction des licenciements, portée notamment par les militant-e-s LO, NPA et POI dans les organisations syndicales. Nous ne sommes pas favorables en soi à ce type de revendications, qui laissent entendre que l'État pourrait intervenir pour atténuer la violence patronale, alors que dans l'immense majorité des cas il fait front avec le patronat contre les travailleur-se-s, sans même s'en cacher.
Nous lui préférons la revendication de droit de veto des travailleur-se-s sur les licenciements, qui remet le pouvoir de décision entre les mains des travailleur-se-s.
Là-aussi, cette revendication doit être vue comme dynamique, c'est-à-dire s'appuyant sur notre action directe dans les boîtes. Il s'agit avant tout de populariser l'idée que c'est aux travailleur-se-s de décider. Le patronat n'est qu'un parasite, c'est aux travailleur-se-s de décider de la finalité de la production, pas à aux marchés financiers. C'est ce que nous appelons un processus de mobilisation et de jalonnements de revendications gagnées qui s'inscriraient dans la législation, visant à l'autogestion socialiste.
Le capitalisme n'a aucun avenir, son développement l'emmène droit dans le mur. La suite, c'est à nous
de la préparer.
Autres articles concernant l'annonce du plan de fermetures et les perspectives de lutte :
- sur le site des Communistes Libertaires du 93
- sur le site de Où va la Cgt ?